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Danton

La main gauche embrassant la hanche puissante par un geste qui lui est familier, la droite se tend menaçante, cherche l’ennemi, le dénonce, l’arrache presque à son banc pour le clouer au pilori. Et, de temps à autre, la tête se baisse et, le cou gonflé par la fureur, il semble alors un taureau qui va foncer droit et tout démolir.
Mais le plus souvent on le voit, par un violent effort, se maîtriser ; ce furieux se fait modéré : il offre la paix à qui lui fait une guerre à mort. Sa figure alors s’illumine d’un sourire où les uns voient de la bonhomie, les autres de l’astuce. Ce n’est plus le tribun qui a soulevé Paris ; c’est un brave homme d’avocat champenois prêt aux transactions. En quelques minutes, sur cette face mafflue, dix expressions ont passé, tandis que de sa bouche sortaient presque au même moment des cris effroyables de défi et des appels cordiaux à la concorde. C’est tout Danton.

Alexandre Dumas

«Monsieur, écrivait un jour Michelet à Dumas, je vous aime et je vous admire, parce que vous êtes une des forces de la nature.» – Ce mot, dont Dumas tirait justement vanité, résume l’homme. Dumas fut, avant tout, un créateur. Il eût mieux fait, sans doute, en produisant moins, en visant la gloire avant la fortune, en ciselant enfin au lieu d’improviser; mais, ces erreurs déduites, il reste l’artisan d’une œuvre en partie écroulée, en partie debout qui, comme un monument ouvert aux quatre vents du ciel, sera toujours plein de bruit, de clarté, de vie exubérante.
Inventeur et prodigue, Dumas conserve, au respect des intellectuels et à la sympathie des foules, les mêmes droits imprescriptibles, car son génie fut fait de grandeur vraie et de suprême bonté.