Gabrielle d’Estrées presque reine

Les rideaux de damas rouge relevés laissaient apercevoir Gabrielle, souriante et un peu intimidée, mais éblouissante dans une robe de satin noir, semée de broderies de jais, la jupe « toute huppée de blanc et chargée de tant de perles et de pierreries si reluisantes qu’elles offusquaient la lueur des flambeaux », au dire de L’Estoile. Tandis que, d’un regard d’envie, les femmes détaillaient avidement sa toilette, les hommes dévisageaient insolemment celle que les prédicateurs leur avaient dépeinte comme une créature impudique issue de l’enfer.
Mais à la voir si belle et si gracieuse, l’air si doux et si bon, les bonnes gens pensaient que son royal amant avait bien quelques excuses. Et puis, ne l’avait-elle pas rendu père d’un superbe garçon ? et il y avait cinquante ans qu’on n’avait vu roi de France donner cette preuve de virilité !
Oscar Wilde

Que n’a-t-on pas dit sur Oscar Wilde !
Les calomnies, les injures, les anathèmes des uns se sont entrechoqués avec les louanges, les marques d’estime des autres qui rendaient justice à cette âme d’élite. Et il semble qu’il en est résulté un cliquetis confus où s’égare la personnalité même du poète.
On ne connaît rien, ou presque rien de la vie d’Oscar Wilde, de cette vie heureuse où il fut célèbre, où il connut le succès, de cette période trop brève malheureusement qui précéda le calvaire que devaient être pour lui les cinq dernières années de son existence.
Peut-être ne sera-t-il pas sans intérêt d’essayer de combler cette lacune.
Le Désert

Où sont mes frères de rêve, ceux qui jadis ont bien voulu me suivre aux champs d’asphodèles du Moghreb sombre, aux plaines du Maroc ?… Que ceux-là, mais ceux-là seuls, viennent avec moi en Arabie Pétrée, dans le profond désert sonore.
Et que, par avance, ils sachent bien qu’il n’y aura dans ce livre ni terribles aventures, ni chasses extraordinaires, ni découvertes, ni dangers ; non, rien que la fantaisie d’une lente promenade, au pas des chameaux berceurs, dans l’infini du désert rose…
Puis, au bout de la route longue, troublée de mirages, Jérusalem apparaîtra, ou du moins sa grande ombre, et alors peut-être, ô mes frères de rêve, de doute et d’angoisse, nous prosternerons-nous ensemble, là, dans la poussière, devant d’ineffables fantômes.