Oscar Wilde

Que n’a-t-on pas dit sur Oscar Wilde !
Les calomnies, les injures, les anathèmes des uns se sont entrechoqués avec les louanges, les marques d’estime des autres qui rendaient justice à cette âme d’élite. Et il semble qu’il en est résulté un cliquetis confus où s’égare la personnalité même du poète.
On ne connaît rien, ou presque rien de la vie d’Oscar Wilde, de cette vie heureuse où il fut célèbre, où il connut le succès, de cette période trop brève malheureusement qui précéda le calvaire que devaient être pour lui les cinq dernières années de son existence.
Peut-être ne sera-t-il pas sans intérêt d’essayer de combler cette lacune.
Marie-Antoinette – partie 1

Marie-Antoinette n’était ni la grande sainte du royalisme ni la grande « grue » de la Révolution, mais un être moyen, une femme en somme ordinaire, pas trop intelligente, pas trop niaise, un être ni de feu ni de glace, sans inclination pour le bien, sans le moindre amour du mal, la femme moyenne d’hier, d’aujourd’hui et de demain, sans penchant démoniaque, sans soif d’héroïsme, assez peu semblable à une héroïne de tragédie. Mais l’Histoire, ce démiurge, n’a nullement besoin d’un personnage central héroïque pour échafauder un drame émouvant.
[…] Avec un réalisme mélodramatique, cette tragédie met en présence les oppositions les plus violentes ; elle pousse Marie-Antoinette d’un palais impérial aux cent salons dans une misérable geôle, du carrosse doré sur la charrette du bourreau, du trône sur l’échafaud ; elle la jette du luxe dans l’indigence ; d’une femme jouissant de la faveur générale et partout acclamée, elle fait un objet de haine sur qui s’abat la calomnie ; bref elle l’entraîne toujours plus bas, sans pitié, jusqu’au suprême abîme. Et cet être petit et médiocre, soudainement assailli dans sa nonchalance, ce cœur étourdi ne comprend pas ce que lui veut cette force étrangère ; il sent seulement qu’une dure poigne le pétrit, qu’une griffe brûlante s’enfonce dans sa chair torturée ; inaccoutumé à la souffrance, la craignant, il ne se doute de rien, se débat, gémit, cherche à s’échapper. (S. Zweig)
Marie-Antoinette – partie 2

Marie-Antoinette n’était ni la grande sainte du royalisme ni la grande « grue » de la Révolution, mais un être moyen, une femme en somme ordinaire, pas trop intelligente, pas trop niaise, un être ni de feu ni de glace, sans inclination pour le bien, sans le moindre amour du mal, la femme moyenne d’hier, d’aujourd’hui et de demain, sans penchant démoniaque, sans soif d’héroïsme, assez peu semblable à une héroïne de tragédie. Mais l’Histoire, ce démiurge, n’a nullement besoin d’un personnage central héroïque pour échafauder un drame émouvant.
[…] Avec un réalisme mélodramatique, cette tragédie met en présence les oppositions les plus violentes ; elle pousse Marie-Antoinette d’un palais impérial aux cent salons dans une misérable geôle, du carrosse doré sur la charrette du bourreau, du trône sur l’échafaud ; elle la jette du luxe dans l’indigence ; d’une femme jouissant de la faveur générale et partout acclamée, elle fait un objet de haine sur qui s’abat la calomnie ; bref elle l’entraîne toujours plus bas, sans pitié, jusqu’au suprême abîme. Et cet être petit et médiocre, soudainement assailli dans sa nonchalance, ce cœur étourdi ne comprend pas ce que lui veut cette force étrangère ; il sent seulement qu’une dure poigne le pétrit, qu’une griffe brûlante s’enfonce dans sa chair torturée ; inaccoutumé à la souffrance, la craignant, il ne se doute de rien, se débat, gémit, cherche à s’échapper. (S. Zweig)